Qui racontait ?

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Dans les familles, c’était le chibani, et plus souvent la vieille grand-mère, celui ou celle qui connaissait des contes de toutes sortes, des légendes, des anecdotes, l’histoire locale. Il savait les mettre en scène, en les illustrant par des gestes et des mimiques, en changeant sa voix, en insérant des chansons, en ayant conscience de l’importance de ces récits pour cimenter sa communauté.

Dans un quartier pauvre de Casablanca, Lalla Tahri, originaire de Béni Mellal, était tisserande et fabriquait des couvertures. Elle était connue pour son répertoire immense de contes. Quand quelqu’un dans le quartier avait un problème, il venait se confier à elle. La nuit venue, elle s’installait et racontait mille merveilles aux habitants du quartier. La personne qui lui avait parlé dans la journée était là, car elle savait qu’un des contes lui serait destiné. L’histoire terminée, la conteuse ne se mêlait pas du débat occasionné : elle buvait trois verres de thé, tandis que l’assemblée commentait le conte entendu. Ainsi était débattu anonymement le problème.d’un habitant du quartier et chacun faisait son miel de la réflexion commune.

Sur les places des villes et des villages, dans les cimetières, à l’ombre des portes, des conteurs professionnels racontaient en s’accompagnant de guimbri ou de tambourins, ajoutant des péripéties inédites, provoquant rires et commentaires ; ces séances se déroulaient souvent le vendredi. À Fès, en 1926, Emile Dermenghem rapporte que la population fassia avait fait de superbes funérailles à la mort d’un conteur qui racontait près de Bab Guissa.

Dans les moussems et les fêtes religieuses, des conteurs ou conteuses appartenant à des confréries racontent des histoires édifiantes où intervient le saint local.